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16/11/2012

Enseigner la grammaire

Du 15 au 16 novembre 2012 a eu lieu un colloque international à l'École Polytechnique de France à Palaiseau, ayant pour titre "Enseigner la grammaire". J'ai eu beaucoup de plaisir à assister à la première journée. Ci-dessous mes notes concernant la toute première des interventions, la conférence plénière de Bernard Combettes. Il est professeur de linguistique française à l'Université de Lorraine, et il co-dirige le laboratoire CNRS ATILF (Analyse et traitement informatique de la langue française).


Dans sa conférence sur "L’opposition grammaire de phrase, grammaire de texte dans les textes officiels et dans les manuels", Bernard Combettes s'intéresse à la question suivante : pourquoi l'enseignement de la grammaire en cours de français, langue maternelle, ne s'appuie-t-il pas de façon satisfaisante sur les avancées faites dans le domaine de la "grammaire de texte", développée à partir des années 80 par des linguistes et des didacticiens ? Selon Combettes, une des raisons en est le terme de "grammaire" véhiculant des représentations qui ne correspondent pas forcément à ce qui est désigné avec l'expression "grammaire de texte" : il aurait peut-être été judicieux de parler de "linguistique de texte" afin de soutenir le dépassement de l'association faite entre grammaire, phrase et morpho-syntaxe, association si ancrée dans les esprits de nombreux enseignants et d'autres acteurs impliqués dans l'enseignement du français en institution scolaire. En fait, la grammaire de texte, née en opposition à la linguistique structurelle – basée sur l'étude de la phrase – , ouvre la perspective d'un enseignement de la grammaire qui s'étendrait à l'étude de texte. L'idée principale de la grammaire textuelle est que le sens naît du contexte qui peut dépasser les limites de la phrase. Ce type d'enseignement peut s'appuyer sur une tradition qui existe dans le domaine de la stylistique, centrée sur l'étude de types de texte et de la cohérence textuelle. La grammaire textuelle peut permettre de (faire) réfléchir au fonctionnement des marques, au lieu de simplement les faire identifier et classer. Pour donner un exemple, il serait pertinent de faire observer la portée d'un élément (par exemple, d'expressions du type "Selon moi, …") dans un texte. Cela aiderait à faire comprendre aux élèves pourquoi et comment on comprend ce qui est dit. La tri-partition "phrase, discours, texte" dans les instructions officielles empêche l'intégration de la grammaire de texte au sein d'une séquence didactique. Elle est parfois présentée à part, sans mettre en avant son rapport possible avec la production écrite ou orale. Pourtant, "faire de la grammaire textuelle pour la grammaire textuelle" n'a pas de sens. On peut espérer une évolution positive grâce à une rupture entre texte et phrase qui est en train de s'annoncer dans les textes officiels pour l'enseignement du français dans le secondaire. De plus, on constate un début de prise en compte d'aspects cognitifs : certains concepts, comme la mémoire discursive, semblent opérationnels et commencent à être introduits dans les discours officiels. Faire de la grammaire en partant d'opérations cognitives semble souvent plus pertinent que de partir de faits linguistiques. Au lieu de faire déplacer ou supprimer des éléments en cours de grammaire, on peut faire comprendre aux élèves que le locuteur a toujours le choix entre plusieurs constructions quand il parle. Toutefois, ce choix n'est pas innocent : il dépend de la situation d'énonciation. Pour revenir à la question intitiale, le degré faible de prise en compte des apports de la grammaire de texte en cours de français, Combettes soulève un problème récurrent, celui de la formation linguistique des enseignants qui devrait être plus poussée. Cela permettrait aux enseignants d'avoir suffisamment de recul par rapport aux observations des élèves qui ne sont pas forcément formulées dans une métalangue normée, sans pour autant manquer de pertinence. 

Publié dans 8. Colloques & co.

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